Musique

Brol, ou les pensées bordéliques d’Angèle

On est là, tranquillement chez soi. On pense en avoir terminé avec les artistes belges agaçants de talent. Et puis un jour, on voit débarquer Angèle dans toutes nos recommandations Youtube.

On est là, tranquillement chez soi. On pense en avoir terminé avec les artistes belges agaçants de talent. Et puis un jour, on voit débarquer Angèle dans toutes nos recommandations Youtube. Alors on écoute, et on découvre une fille cool qui nous parle d’autre chose que d’amour. Une fille chouette qui, plutôt que de nous dire des mots qu’on aime, nous parle d’un tas de galères avec La Loi de Murphy. De ceux qui choisissent la mauvaise file, de celles qui se cognent toujours le même doigt de pied contre le même meuble, au même endroit.  Angèle, c’est cette fille qui te raconte des choses que tu sais déjà, mais qui te le dit d’une si belle manière que tu penses tout redécouvrir.

 

L’argent, les réseaux sociaux, l’amour, la femme, l’homme, les sentiments, les sensations. C’est son truc à Angèle. Ces thèmes-là, elle les chante merveilleusement sur des compositions pop épurées, inspirées, dont la légèreté vient toujours adoucir des paroles qui, sous leurs airs profondemment naifs, disent beaucoup de nos émotions et de notre époque. Quel jeune un tant soit peu ancré dans sa génération ne s’est pas reconnu dans « La Thune » ? Quel jaloux compulsif n’a pas repensé à ses crises de paranoïa amoureuses dans « Jalousie » ? Voilà, tout est dit. Angèle est une artiste qui parle à beaucoup de cœurs, et c’est pour ça qu’elle fait tant de bruit.

 

De Brol, on retient beaucoup de titres. Tous ont quelque chose d’important à dire, et la plupart sont des réussites. Il y ‘a d’abord le morceau « Tout Oublier », en featuring avec son frère Roméo Elvis, qui dénonce le diktat du bonheur, l’injonction permanente au positivisme, l’interdiction de se sentir malheureux dans une société qu’on sait triste mais qui dit toujours qu’elle va bien. Elle raconte aussi les matins, ceux d’après les ruptures, qu’on essaie toujours de dédramatiser en se disant qu’une nuit tout seul, ça permet au moins de dormir en diagonale dans son lit double. En fait, Brol, c’est un méli-mélo de pensées saines, propres à notre génération, qui fait du bien aussi quand il s’attaque aux choses qui nous dépassent. On est par exemple ravi d’entendre Angèle défoncer les porcs d’une voix douce dans « Balance ton quoi », signaler l’impact des réseaux sociaux sur nos humeurs et nos vies, ou s’inquiéter du narcissisme paniqué de la jeunesse d’aujourd’hui.

Brol est une jolie parenthèse pop qui porte bien son nom (oui, « brol », ça veut dire bordel chez les belges) et qu’on écoute sans jamais se faire de soucis. C’était important que ça arrive, là, maintenant. On a trop entendu de bangers, trop crié pendant la Coupe du Monde, et trop fredonné les mêmes tubes tout l’été. La pop fraîche d’Angèle nous envoie ailleurs, dans quelque chose de plus doux, plus calme. A quelques mois du passage à l’heure d’hiver et des glissades sur des trottoirs gelés, Angèle peut souffler : La Loi de Murphy est désormais très loin.

 

Article rédigé par Etienne Quesnay

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