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Musique

Sopico en interview pour TRENDS, megaforce tranquille

Nous l’avions quitté sous la pluie battante bretonne de Rennes lors des derniers Bars en Trans, Sopico s’apprêtait alors à prendre d’assaut le 1988 Live Club où il allait livrer une prestation embrasée entre gros coups de chaud et solo guitare-voix dans le blanc des yeux. Si c’est avec Mojo, sorti en 2016, que le jeune rappeur s’est taillé une place de choix parmi les espoirs les plus prometteurs de sa génération, 2017 marque véritablement l’orée de son irrésistible ascension, et 2018 s’annonce déjà comme l’année de la confirmation avec la sortie récente de son nouveau projet YË.

C’est avec la force tranquille qui le caractérise qu’il revient avec nous sur les grandes étapes qui ont forgé sa vie d’homme et d’artiste, de ses débuts avec la 75ème Session à , ses premiers émois musicaux, sa guitare, grandir dans le XVIIIe, l’influence déterminante des arts martiaux dans sa vie ou encore son passage chez Colors… 2018 lui appartient.

Comment es-tu arrivé dans la musique ?

Je m’y suis mis assez jeune, mais je n’ai pas eu de grosse expérience avant 2013-2014. Avant, je faisais partie d’un groupe de reggae-rock-électronique…

Tout ça à la fois !

Encore aujourd’hui, je ne sais pas comment définir ce qu’on faisait à l’époque, mais c’était cool. J’étais guitariste / deuxième voix dans ce groupe.

Vers 2013, j’ai rencontré la 75ème session – un collectif et label parisien qui a bossé avec pas mal de monde sur la scène parisienne, comme Espiiem et Georgio – et on a commencé à bosser ensemble. Ma première expérience avec eux, c’était John Doe, une série de freestyles anonymes où l’on ne voit que la bouche. Je me suis retrouvé dans cette sphère de rap underground via ça.

Peu de temps après, j’ai commencé à bosser avec Sheldon, qui est un membre actif et fondateur de la 75ème Session, et avec qui on a fait un projet qui s’appelle Mojo, un 15 titres qui est sorti en juin 2016.

Le considères-tu comme un album ?

On va dire que c’est un LP, mais pas un album.

Qu’est-ce qui lui manquait pour être considéré comme tel ?

Sans doute que je veuille que s’en soit un. Je voulais faire un projet gratuit, mais surtout un projet assez instinctif. Sheldon l’a produit en intégralité, j’étais avec lui et j’écrivais en même temps. Ca nous a pris un an. Mojo est sorti le 27 juin 2016 et c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à être un peu plus actif, à défendre le projet. Il y a eu une série de clips, on a commencé à faire quelques dates, toujours de manière très underground. On est passé par toutes les petites scènes parisiennes comme la Miroiterie qui n’existe plus aujourd’hui puisque le lieu s’est effondré. C’était assez vétuste et bizarre, mais cool en même temps, tout le public avait une capuche.

Après Mojo, je me suis plus intéressé au son, j’ai appris les bases de la production et j’ai commencé à faire des prods à côté de Sheldon, qui m’apprenait les usages, à me rapprocher un peu plus des machines et à utiliser les logiciels… J’en ai profité pour remettre en avant les instruments que je maîtrisais, comme le piano, mais surtout la guitare.

Tu étais un vrai musicien avant d’être rappeur.

C’est ça. Par contre, je n’ai aucune base théorique en musique, je l’ai apprise très instinctivement. Quand j’ai commencé à faire du rap, je ne mettais pas vraiment la guitare en avant, j’ai fait quelques freestyles, mais ce n’était pas aussi assumé qu’aujourd’hui. C’est redevenu un élément centrale au moment où j’ai sorti mes premières prods. Il y a mois, j’ai sorti 3,33% qui est le premier titre que je produisais moi-même. Après ça s’est décanté, j’ai multiplié les productions, j’ai affiné ce que je voulais faire pour aboutir à un projet, , qui sort le 26 janvier : un 14 titres entièrement produit par mes soins.

Tu as également sorti un EP fin novembre.

Oui, un projet de 3 titres qui s’appelle Ëpisode 1, que j’ai également entièrement produit et qui annonce la couleur. Le premier morceau, très rap, très métallique, s’appelle Étrange Enfant. Le second, Garance, est beaucoup plus hybride et dure 7 minutes. Il commence dans un cadre assez sombre pour finir dans un cadre beaucoup plus lumineux. Et le troisième morceau est un guitare-voix qui s’appelle La Nuit. Je suis très content de l’avoir fait. Je l’ai balancé un peu par surprise, je voulais que ce soit un élément instinctif, comme ma conception de la musique en fait.

Je pense que ce projet représente bien ma musique aujourd’hui, qui ne reste pas figée. J’ai envie de sortir du carcan très « rap français, freestyleur », et amener mon univers aussi bien dans mes textes, que dans l’interprétation et la production.

Ma guitare, c’est un élément qui est à la base et au centre de ma conception de la musique

Comment travailles-tu tes morceaux ?

Comme je suis tout le temps avec ma gratte, les premières idées viennent souvent se poser sur des lignes de guitare. Quand je me retrouve en studio, je pose par exemple une première ligne de guitare très minimaliste, puis je viens poser mon texte, et après je travaille les prods. Souvent, j’essaie d’adapter la production aux textes. Ça m’arrive aussi de faire des prods d’abord et de poser ensuite par-dessus. Il n’y a pas de grandes règles, mais étant donné que je suis – dans ma vie de tous les jours – très souvent accompagné de ma guitare, c’est un élément qui est à la base et au centre de ma conception de la musique.

Tu fais de multiples références à Booba dans tes textes. Que représente-t-il pour toi ?

Booba, c’est l’une des personnes qui m’a fait aimer le rap. Quand j’étais jeune, j’ai eu 3 albums entre les mains : Temps Mort de Booba, Discovery des Daft Punk et Nevermind de Nirvana. Je switchais entre ces trois disques et ça m’a beaucoup influencé.

Comme lui, tu utilises également beaucoup d’argo dans tes textes.

L’argo, c’est aussi quelque chose qui m’a énormément influencé. J’ai grandi dans un quartier populaire, près d’une station de métro qui s’appelle Marx Dormoy juste à côté de Porte de la Chappelle, ce sont des quartiers qui sont infusés de l’histoire du rap…

On a vraiment l’impression qu’il se passe quelque chose dans le XVIIIe, quand tu écoutes des mecs comme Georgio ou Hugo TSR, il y a une couleur qui se dégage.

Georgio a déménagé, mais c’était mon voisin, et Hugo est encore aujourd’hui mon voisin. On fait des choses différentes, mais on se croise, on se parle, on échange. Les gens ne savent pas forcément qu’il existe des ponts entre nous deux, mais Hugo est quelqu’un qui m’a énormément donné envie de me lancer dans le rap, il m’a énormément influencé.

Je me suis retrouvé dans un quartier où je pouvais aller digger ce qui se faisait dans le rap et je suis vite tombé sur la Scred Connexion, sur Hugo et sur plein d’artistes qui ont côtoyé ou vécu dans ce quartier, des Stomy Bugsy, des Doc Gyneco aussi qui ont sorti des morceaux avec beaucoup de références au XVIIIe. C’est un lieu assez particulier, très populaire. Il y a énormément de douceur qui vient du brassage culturel, et en même temps énormément de violence.

Dans une ère où Paris est en train de se gentrifier, le nord n’a pas encore perdu son côté populaire, je pense que c’est très important, et que ça ne partira vraiment jamais. Ce sont des lieux complètement fous où l’on peut être surpris à chaque coin de rue.

Ton rap est bourré de références populaires, sport, musique, manga, dessin-animé…

J’ai été baigné dans tout ça quand j’étais jeune. J’ai pu voir la fin du club Dorothée, je regardais Dragon Ball, Olive et Tom… Comme tous les gamins de France qui ont grandi cette époque, ce sont des dessins-animés qui ont comptés. Concernant le sport, j’en ai fait toute ma vie, c’est un peu moins le cas aujourd’hui, mais j’ai gardé cette volonté de donner le meilleur…

Quels sports pratiquais-tu ?

J’ai pratiqué beaucoup d’arts martiaux. J’en ai conservé une philosophie basée sur le Nindô, c’est en quelque sort la quête personnelle de devenir ce que tu aspires à être, avec une détermination seine. J’ai tendance à écarter les choses qui me font de mal et ne garder que celles qui me font du bien. Je pense que ça se ressent dans ma musique.

 Je suis plus frustré par la demi-réussite que par l’échec

J’ai un rapport très martial à la vie, un truc qui me dit qu’il faut se battre, qui me dit qu’il faut être fier, et qui me dit que les efforts finissent par être récompensés, même si ce n’est pas immédiatement. Le fait d’avoir fait des combats, d’avoir gagné, d’avoir perdu, ça m’a beaucoup appris. J’ai beaucoup de mal à être frustré par l’échec, généralement ça me motive. Je suis plus frustré par la demi-réussite que par l’échec. Réussir c’est bien, mais il faut être capable de nuancer et voir à quel point rien n’est total dans la vie, tout n’est pas tranché, rien n’est manichéen. Tout est en nuance et ce sont ces nuances qui permettent de développer sa singularité. J’essaie de garder en tête ces choses-là qui me permettent de garder les pieds sur terre.

Il y a ce rapport de contre-pied aussi qui est très important dans les arts martiaux. J’ai envie de proposer aux gens qui me suivent et à mon public une logique de contre-pied permanente.

Revenons sur ton passage réussi chez Colors, tu n’étais que le 3ème rappeur français à y être invité. Comment est-ce que ça s’est fait ? C’est une grosse étape aujourd’hui de passer chez eux…

Je m’en suis rendu compte après. J’ai découvert Colors peut-être une semaine avant qu’ils m’invitent. J’ai vu celui de Tommy Cash, ça m’a tellement impressionné et ça m’a tellement motivé à le faire que je n’ai pas hésité une seule seconde. Comment ça s’est fait ? Ils m’ont envoyé un mail…

Ce sont donc eux qui viennent chercher les artistes.

Exactement. Il faut savoir qu’ils ne te défraient pas, quand ils te proposent de faire ça, c’est à toi de venir. Si tu as le courage d’y aller, tu y vas. Ça se passe à Berlin avec une petite équipe de 3 personnes. Ils peuvent très bien inviter des presque inconnus comme des personnes avec un buzz ou une carrière établie. Ce sont de gros diggeurs et quand ils trouvent quelque chose qui leur plaisent, ils n’ont aucun mal à trouver le contact.

J’ai été très bien reçu. Ça va très vite : tu les rencontres, tu vas dans leur studio, tu fais ce que tu as à faire, quand c’est terminé tout le monde se tape dans la main et tu vas manger un burger avec eux avant de passez la soirée ensemble. Je suis resté très pote avec eux parce que je les ai trouvés complètement humains, alors que leur concept est tellement fort dans une ère où l’image est presque parfois plus importante que la musique.

C’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de développer un concept vidéo qui me permet de défendre ma musique de manière très minimaliste, juste avec ma guitare et en faisant venir qui je veux autour de moi. Ça s’appelle Unplugged. Ce que j’essaye de faire, c’est amener mon identité et réussir à mettre en place des choses qui sont contrôlées par mes impulsions créatives. Il y a un petit carré vert derrière moi dans lequel je m’occupe de la réal. Quand je suis assis avec ma musique et ma guitare, j’y vais avec l’instinct et avec le cœur, c’est comme ça que je pense, que je défends le mieux ma musique. On va sortir une vidéo tous les premiers du mois, de décembre à juin. C’est un projet qui risque d’être reconduit un certain nombre d’années, c’est ma volonté en tout cas.

Propos recueillis par Maxime Leteneur et Bastienne.

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