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Mode

Jacquemus, Y Project, Off White … comment la mode a reconquis les hommes

Depuis quelques années, le business de la mode masculine affiche une santé rayonnante. Au point d’outrepasser désormais la mode féminine en terme de croissance.

Depuis quelques années, le business de la mode masculine affiche une santé rayonnante. Au point d’outrepasser désormais la mode féminine en terme de croissance. Une tendance qui n’a pas échappé aux acteurs du luxe, qui ont fait du menswear leur nouvelle terre de conquête et d’expérimentations. En témoigne aussi bien le lancement du prêt-à-porter Berluti que la naissance de l’homme Jacquemus et Stella McCartney, le retour de Givenchy au calendrier officiel de la fashion week masculine, ou la relance de la ligne masculine Celine sous l’impulsion d’Hedi Slimane.

Plus que jamais, la mode masculine a donc le vent en poupe. Auprès des marques, qui y voient autant d’opportunités en terme de business que de créativité; mais surtout auprès de la gent masculine, dont le rapport au vêtement a considérablement évolué ces dernières années, et qui appréhende désormais la mode sous l’angle du plaisir par opposition à l’utilité.

Se réapproprier la mode

Pour comprendre l’ampleur du phénomène, petit retour en arrière : au début du XIXème siècle, le costume fait son apparition en Grande-Bretagne, et s’impose progressivement dans toute l’Europe. Quelques décennies plus tard, il se simplifie et s’assombrit, s’érige au rang d’uniforme auprès des hommes, toutes classes confondues. Il faudra attendre la seconde guerre mondiale et l’essor du prêt-à-porter pour voir apparaître une nouvelle silhouette masculine, délestée de son austérité, et l’apparition de nouvelles tendances venues de la rue, influencées par la musique et les cultures underground. C’est donc après près de deux siècles d’élégance formelle (et de quasi-léthargie) que la mode masculine entame progressivement sa transformation.

Selon Gérald Cohen, auteur de « La Mode comme observatoire du monde qui change », plusieurs facteurs sociaux tendent à expliquer ce phénomène. Tout d’abord, on peut y voir une réaction au mouvement de libération de la femme, dès la fin des années 60. « Les hommes ont eu alors des revendications concernant leur apparence, leur sensibilité, des domaines qui, jusqu’alors, leur étaient socialement interdits comme soigner leur look », explique Gérald Cohen au site Culturebox. À cela s’ajoute la libération LGBT des années 70, et le rôle majeur joué par la communauté homosexuelle, qui revendique une nouvelle façon de s’approprier le vêtement.

(Re)naissance d’une mode masculine

Dès lors, la mode masculine prend un nouveau tournant et revendique une créativité inédite et débridée, qui se traduit notamment par la fusion des archétypes masculins/féminins. Une hybridation qui se matérialise sur les catwalks, d’Yves Saint Laurent, de Kenzo et de Jean-Paul Gaultier, artisan d’un menswear révolutionnaire qui bousculera profondément les codes de la masculinité (en 1985, il sera le premier à présenter des jupes pour hommes dans ses collections).

Aujourd’hui, la place du costume dans le vestiaire des hommes s’est considérablement réduite, mais celui-ci reste toutefois l’élément central du workwear masculin. Cependant, là aussi, des mutations s’observent. Face au désintérêt des jeunes générations, les règles du vêtement formel se sont assouplies, et la norme a peu à peu évolué en faveur d’une élégance plus décontractée. En parallèle, le costume a troqué son statut de vêtement utilitaire pour celui d’objet de désir.

Une petite révolution que l’on doit essentiellement à Hedi Slimane. En 2001, lorsqu’il prend les rênes des collections homme de la maison Dior, il opère une profonde mutation du vestiaire masculin, à grands coups de silhouettes acérées, sombres et androgynes, puisant ses inspirations dans la scène rock contemporaine. Une nouvelle vision du costume qu’il déploie par la suite chez Saint Laurent, et qui le hisse définitivement au rang de pièce culte, bouleversant au passage le rapport des hommes à la mode et aux tendances.

 

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Our 2019 pre-collection is out. On amiparis.com and in boutiques.

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Objet de convoitise

Car longtemps reléguée au rang de frivolité, s’opposant à l’idéal viril instauré par la société, la mode jouit aujourd’hui d’un engouement croissant de la part des hommes. L’importance accordée à la dimension fonctionnelle du vêtement a cédé sa place à l’esthétique et au style, l’achat utilitaire s’est transformé en achat plaisir et la contrainte du shopping en loisir. Mais surtout, la clientèle masculine a peu à peu appris à composer avec l’obsolescence de la mode et des tendances, longtemps restée l’apanage de la mode féminine. En multipliant les pièces fortes, presque statement, les marques ont su créer le désir, convaincre la clientèle de se laisser aller à des achats impulsifs, de se laisser séduire par une mode qui, parfois, se démode.

À ce propos, les chiffres sont parlants : avec des ventes atteignant 420 milliards de dollars, en hausse de +2% par an en moyenne, la mode homme représente désormais près d’un quart du marché mondial de l’habillement. Et pourrait surperformer la mode féminine entre d’ici 2022.

L’homme, bête de mode 2.0

La révolution numérique tient également un rôle important dans ce bouleversement des habitudes de consommation. En 2005, le photographe Scott Schuman crée le blog The Sartorialist, qui expose ses clichés d’inconnus aux looks singuliers. Il est parmi les premiers à mettre en lumière l’élégance au masculin, telle que vue dans la rue et non sur les podiums. S’ensuivront une kyrielle de blogs tenus par (et pour) des hommes, qui participeront largement à démocratiser la mode et le style au masculin.

En parallèle, on ne saurait taire le poids des réseaux sociaux, qui tiennent un rôle majeur dans l’explosion du menswear. En tant que source inépuisable d’inspiration, d’une part, mais aussi comme nouveau moyen d’expression et de personal branding. L’avènement d’Instagram notamment, a induit un désir inédit de la part des hommes de se mettre en scène, de soigner et modeler leur image pour l’exposer aux yeux du monde. Un phénomène particulièrement tangible chez les jeunes générations, qui s’est traduit par un intérêt croissant pour la question du style et, fatalement, une consommation accrue de produits de mode.

 

 

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SONNY™. @sonnynewyork

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Le poids du streetwear

Enfin, que l’on soit ou non féru(e) de mode, difficile d’ignorer la déferlante street qui envahit aussi bien les podiums que nos penderies depuis quelques années. Si la tendance ne date pas d’hier, c’est à l’orée des années 2000 que le grand public commence véritablement à s’éprendre de mode urbaine. Quelques années plus tard, c’est au tour du luxe de s’approprier la tendance et d’enchaîner les initiatives à forte visibilité : nominations audacieuses, collaborations pointues, mais aussi communication millimétrée, érigeant les rappeurs du moment au rang d’égéries internationales. Aujourd’hui plus désirable (et lucratif) que jamais, le streetwear semble avoir atteint son apogée, et contribue largement à l’essor global du marché de l’habillement masculin.

Un triomphe qui s’explique notamment par les valeurs que véhicule la mode urbaine, qui s’inscrivent en adéquation avec l’émancipation du vestiaire masculin initiée dans les années 60 : subversion, liberté, valorisation de l’expression individuelle. En parallèle, elle s’oppose à une mode masculine institutionnelle, normée et standardisée. Historiquement articulé autour du confort et de la liberté de mouvement, le streetwear s’est toujours affiché en rupture avec l’élégance formelle traditionnelle, symbole d’un idéal de masculinité et de réussite sociale aujourd’hui anachronique.

Par ailleurs, les tendances urbaines séduisent en ce qu’elles appellent au sentiment d’appartenance à une communauté, qui n’a de cesse de s’élargir. En réponse aux attentes des jeunes générations, qui affirment ne plus se reconnaître dans les modèles classiques imposés par la société, les labels d’aujourd’hui ont su bousculer l’ordre établi, brouiller les frontières des genres, des races et des générations. En témoignent notamment les communautés qui se sont créés autour de Y Project, Avoc ou Koché, dont l’approche réside justement en cette joyeuse mixité.

Une démarche articulée autour de l’inclusion, qui pourrait donc durablement redéfinir les contours de la mode masculine, enfin décomplexée de ses clichés, de ses normes et de ses préjugés.

 

Article rédigé par Mathilda Panigada

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