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Mode

Marc Jacobs, grunge forever

Le designer réédite telle quelle une collection qui, il y a vingt-cinq ans, lui avait valu d’être viré de son poste (et un an plus tard, de devenir une star). Masochisme ou coup de génie ?! (Suspens, suspens…)

Le designer réédite telle quelle une collection qui, il y a vingt-cinq ans, lui avait valu d’être viré de son poste (et un an plus tard, de devenir une star). Masochisme ou coup de génie ?! (Suspens, suspens…)

De Perry Ellis à Louis Vuitton, en passant par la case « renvoi »

1993. Un wonderkid de la mode, culte à New York mais inconnu au-delà de la fashion sphère, a présenté quelques mois plus tôt son défilé Printemps-Eté pour Perry Ellis, où il officie depuis quatre ans.

Perry Ellis, c’était la marque de l’Amérique preppy, proprette, qui habillait de jupes-culottes et de pulls à épaulettes ces femmes de la Cinquième Avenue pendant leurs vacances à Nantucket. Sur le podium : des robes à grosses fleurs portées sur des micro t-shirts à rayures, des pantalons baggy avec des chemises de bucheron, des Dr Martens et des beanies (ces bonnets avachis dont la vocation n’est pas de protéger en cas de sports d’hiver). Autrement dit, la quintessence du grunge, mouvement alternatif à l’époque, contre-culture revendicatrice que le hit du Nevermind de Nirvana s’affairait à rendre globale.

Les vêtements avaient beau être taillés dans les plus beaux matériaux, soies délicates, flanelles douces, et défiler sur les plastiques phénoménales de Naomi Campbell, Christy Turlington, Helena Christensen ou Kate Moss : par rapport à l’image bourgeoise de la marque, ça faisait un peu désordre. Smells like teen spirit, peut-être, mais doesn’t smell like Perry Ellis : les financiers aux commandes congédient sur le champ le jeune designer pour ce geste insolent.

Considéré comme l’un des renvois les plus célèbres de l’histoire de la mode, ce fut malgré tout un beau tremplin pour l’intéressé. Auréolé d’une image d’indépendance et de branchitude, transcripteur de l’air du temps, idole d’une nouvelle jeunesse, il revient un an plus tard avec une collection qui marquera l’essor de la marque Marc Jacobs, success story des nineties, plébiscitée par des filles (et amies) en vogue comme Sofia Coppola ou Kirsten Dunst.

Consécration en 2000 : il est propulsé directeur artistique de Louis Vuitton, avec pour mission d’inventer l’identité vestimentaire d’une griffe qui, jusque là, se cantonnait aux sacs et aux bagages. Cette fois, ni le monogramme graffité par Stephen Sprouse ni les robes d’infirmière inspirées par Richard Prince ne donnent l’idée à quiconque de le virer.

 

 

Le retour du grunge Marc Jacobs

2018. Marc Jacobs annonce qu’il réédite les vingt-six looks looks aussi maudits que cultes de la « collection grunge ». Un quart de siècle a passé. Le designer est devenu une icône, un peu comme Karl Lagerfeld, moins reconnaissable, mais suffisamment tout de même pour rhabiller la bouteille Coca-Cola et parader dans la campagne promo. Il a quitté Vuitton en 2014, peu après avoir reçu un Lifetime Achievement Award de la part du Council of Fashion Designers of America (l’équivalent des Oscars pour la mode).

Il possède une communauté de presque 8 millions d’abonnés sur Instagram, entretenant le buzz sur son corps bodybuildé, ses ongles vernis de toutes les couleurs, ses chiens, son boy-friend. Il a continué à se faire des copines qui s’affichent volontiers dans ses publicités, de Victoria Beckham à Beth Ditto, jusqu’à… tiens, Frances Bean Cobain, la fille de Courtney Love et Kurt Cobain, couple mythique du grunge. Il est toujours à la tête de sa marque, dans le giron de LVMH, mais à vrai dire, les affaires battent un peu de l’aile. La ligne bis Marc by Marc Jacobs a disparu en 2015, pour fusionner avec la ligne principale. Une partie des boutiques a fermé, dont celles, emblématiques, de Bleecker Street à New York. Bernard Arnault, PDG de LVMH, a tenu ces mots très durs : « Je m’inquiète plus pour Marc Jacobs que pour le président américain » (et quand on sait que c’est Trump qui venait d’être élu…). La presse a renchéri, le New York Times titrant : « How Marc Jacobs Fell Out of Fashion ». Ambiance…

Alors, de quoi cette réédition est-elle le nom ? Encore un coup pour se faire renvoyer, cette fois-ci de son propre label ?! Ou peut-être qu’au contraire, faire découvrir ces silhouettes, ce storytelling aux moins de trente ans, ressortir ces panoplies devenues intemporelles en les plaquant sur les silhouettes furieusement actuelles de Gigi Hadid, Dree Hemingway ou Slick Woods, est le bon mouvement pour atteindre les Millenials. Le grunge pour retrouver le groove !

C’est aussi une manière de rappeler qui est le maître (non mais). D’ailleurs, ces robes champêtres pour la vie urbaine, issues de la scène musicale indé de Seattle, mais photographiées dans les prés par le Vogue américain le temps d’une série mode inoubliable, en ont inspiré d’autres, à commencer par celles qui, aujourd’hui, font la renommée de la griffe danoise Ganni. Rendons à César… Sur le site de Marc Jacobs, la page présentant la « Redux Grunge Collection 1993 / 2018 » fait du designer un héros des temps modernes. « In 1993, Marc Jacobs made fashion history » est-il inscrit en grosses lettres, comme dans la bande-annonce d’une superproduction. Chose pas inintéressante, en scrollant un peu, on lit que « the world needs grunge ». Parce que le grunge, c’est l’acceptation, la liberté, la tolérance – un message assez joli dans notre monde chahuté.

Et puis on le sait : l’époque n’aime rien tant que de replonger dans les archives, rééditer des collections capsule, chercher la modernité dans le passé. En 2018, shootés par Juergen Teller, le complice de toujours, les robes floues aussi bien que les robes tubes, les gilets rétrécis aussi bien que les trenchs oversize, semblent aussi audacieux, aussi avant-gardistes qu’en 1993. Is n’ont rien perdu de leur force provoc’.

Quoi qu’il en soit, bonne pioche. L’annonce de la réédition a été l’une des news les plus relayées, les plus appréciées de ce début d’automne !

 

Article rédigé par Laure Gontier

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